Le crépuscule des rénégats

Le crépuscule des renégats

Par Yves d’Amécourt, avec son aimable autorisation, temps de lecture : 5 minutes.

Ils avaient trahi leurs partis, leurs convictions, parfois leurs amis, pour se rallier à Emmanuel Macron. Huit ans plus tard, alors que le pouvoir s’effondre et que les ambitions se dispersent, les mêmes trahissent encore. Dans ce roman politique où tout se rejoue sans mémoire, Yves d’Amécourt raconte la fin du jeu — et appelle au retour des gens de conviction, ceux qui, avant de s’aimer eux-mêmes, aiment la France.

Ils ont tous trahi. Leurs amis, leurs idées, leurs convictions. Pour porter Emmanuel Macron au pouvoir. Et aujourd’hui, à l’aube de son second crépuscule, ils recommencent.

Tout avait commencé par des certitudes, des déclarations hautaines et des postures de vertu. Gérald Darmanin, encore chez Les Républicains, voyait en Macron « le poison définitif de la Ve République » — un « populisme chic », disait-il, « pur produit du système », un homme qui « promet tout, c’est Noël avant l’heure ». Édouard Philippe, plume acérée dans Libération, se moquait de « ce tribun adepte d’un populisme désinvolte », capable de « marcher sur l’eau et de multiplier les pains » sans jamais assumer quoi que ce soit. Bruno Le Maire, lui, affirmait que « Macron symbolise la vieille politique, celle qui dit tout et son contraire », avant d’ajouter quelques mois plus tard que c’était « un candidat sans projet car sans convictions ». Quant à François Bayrou, il dénonçait « le candidat des forces de l’argent » et assurait que « cela ne marcherait pas ». C’était avant le pacte. Avant le renoncement.

Et pourtant, un matin de 2017, tous ces hommes changèrent de camp. Les mêmes lèvres qui condamnaient la trahison s’y adonnèrent. Les convictions s’éteignirent au premier éclair du pouvoir. Les uns après les autres, ils montèrent à bord du navire macronien, ce bateau ivre, sans boussole, où l’on embarquait sans carte ni gouvernail, pourvu qu’on soit du voyage et que “l’on pense printemps”. La France en Marche ? Non : une association de malfaisants, où l’on se partageait les maroquins comme des butins de guerre. Elle finit, comme toutes les confréries d’intérêt, en association de malfaisants.

Car Emmanuel Macron n’a jamais laissé le hasard faire son œuvre. Depuis Bercy, il préparait la chute de François Hollande avec la froideur d’un stratège. Il organisait son effacement sans bruit, par la rumeur, la confidence, la désolidarisation feutrée. Ce n’était pas une inéligibilité, c’était pire : une mise à mort douce, un effacement programmé. Le 1er décembre 2016, François Hollande annonçait qu’il ne serait pas candidat. La République, stupéfaite, assistait à un suicide politique déguisé en acte de lucidité. Macron, lui, souriait déjà. Il avait réussi de l’intérieur à vider le Parti socialiste de son âme, à se présenter comme son héritier sans en être le fils. Il fondait “En Marche”, ce mirage moderne où chacun pouvait se réinventer, quitte à renier tout ce qu’il avait été.

Le pouvoir, chez ces gens-là, n’est plus un idéal, c’est un environnement. Un monde virtuel. Une plateforme. Un métavers politique où chacun peut changer de camp comme on change d’avatar, où l’on trahit sans conséquence, où l’on efface ses tweets comme on efface une partie mal jouée. Dans ce jeu vidéo grandeur nature, Emmanuel Macron est l’éditeur. Il se présente, en majesté, dans la cour du Louvre, à la fois le Palais des Rois de France, et le lieu où commence le “Da Vinci Code”… Pour sa photo officielle il s’inspire de la jaquette de la série “House of Cards”. Puis il distribue les rôles, règle la lumière, choisit la musique. Ses ministres sont des personnages non-joueurs, animés par un logiciel d’opportunisme. Le scénario est simple : flatter, promettre, déserter, recommencer. On s’y croirait immortel. On y oublie la France.

Et puis, 8 ans et 1000 milliards plus tard, tout a été promis “en même temps”, la fin approche. Les lumières clignotent, les serveurs chauffent, les connexions se perdent. Les avatars se déconnectent un à un. Bruno Le Maire, qui avait choisi comme pseudo “le sauveur de l’économie”, lâche dans un moment d’agacement : « Je me  barre ! » Comme un disque rayé : c’est à peu près la même phrase qu’il prononça en 2017, lorsqu’il quitta la campagne de François Fillon avant de rejoindre Macron. Edouard Philippe, celui qui avait quitté la campagne de François Fillon, caché sous une couverture, pour faire ses offres de service à Emmanuel Macron, demande la “démission programmée” du Président. Gabriel Attal, que les medias surnomme désormais “Brutus”, dit ne plus comprendre son “César”. L’histoire bégaie. La loyauté, décidément, n’est pas leur fort. Les mouches changent d’âne, les girouettes de clocher. Les traîtres d’hier trahissent de nouveau, cherchant un autre cheval à monter, un autre abri pour leur ambition. Les gens de gauche passés à droite, qui retourne à gauche, croisent, au centre, les gens de droite passés à gauche qui retourne à droite.

Le rêve de Bayrou n’aura été qu’une chimère. Il voulait dépasser les clivages, il n’a fait que les dissoudre. Le rêve de Macron  s’achève dans la confusion et la lassitude d’un peuple qui n’y croit plus. Il voulait incarner la modernité, il n’a produit que l’indifférence. Il voulait « enjamber » la droite et la gauche ; il a simplement piétiné la confiance.

Pendant ce temps, la France, la vraie, celle des territoires et des foyers, regarde ailleurs. Elle paie ses factures, compte les cerfa, observe avec tristesse cette politique transformée en théâtre d’ombres. Ces gens gouvernent comme s’ils vivaient dans un univers parallèle, hors du temps et du réel, dans une bulle numérique où tout se réinitialise à chaque élection. Mais ici-bas, dans la vraie vie, les trahisons ont des conséquences. La parole donnée engage. La fidélité vaut encore quelque chose.

Leur monde touche à sa fin. Le jeu est presque terminé. Les héros de pacotille quittent la scène. Le peuple, lui, attend autre chose. Il attend le retour des gens de conviction. Il en reste, heureusement. Ils n’ont pas besoin d’être nombreux. Ils n’ont pas les codes du métavers, ils n’ont pas les réflexes des girouettes, mais ils ont ce que les autres ont perdu : la droiture, la constance, la fidélité à la parole donnée. Et surtout, cette force simple et essentielle : avant de s’aimer eux-mêmes, ils aiment la France.

Yves d’Amécourt yves-damecourt.com

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